Nous n’avons plus ni l’âge ni l’agilité pour grimper prestement dans les branchages du sycomore, comme nous le rapporte l’épisode de la rencontre avec Zachée, retenu par la campagne d’année. Et cependant nous avions tout à gagner en nous interrogeant sur ce face-à-face insolite aboutissant à la conversion d’un pécheur notoire et honnis du public. Il cherchait à « voir Jésus qui allait passer par là ». Merveille de la grâce et du regard : c’est Jésus qui lève les yeux et qui accueille l’espérance de Zachée : « Aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » – Compte-rendu de notre réunion du jeudi 18 avril 2024.
Antoine, animateur
Notre monde en panne d’espérance ?
Nous sommes chaque jour confrontés aux deux plateaux de la balance : le bien et le mal. Nous oscillons entre les deux lunettes possibles : l’optimisme ou le pessimisme. L’épisode Zachée nous éclaire. La seule porte d’avenir pour ne pas nous engluer dans les rancœurs ou les nostalgies est de cultiver l’amour du monde qui est le nôtre, tel qu’il nous englobe : « Nous ne pouvons oser cet avenir si, dès aujourd’hui, nous ne nous mettons pas déjà à l’aimer et à le faire aimer ». Pour cela, deux exigences : aimer et combattre le mal. Le mal peut se maintenir ou progresser par vagues. Mais il y a une constante : la permanence ou la résurrection du combat contre les forces du mal…
Les grands messages du pape François, en ces dernières années, répètent avec force et lumière cette intuition que notre monde est fait pour la bonté et la beauté : Laudato si’ en 2015 (La terre est notre maison commune), Amoris Lætitia (l’amour dans la famille) en 2016, Fratelli Tutti en 2020 (thème de la fraternité et de l’amitié sociale en ressourçant les moteurs et finalités de l’économie, en organisant l’accueil des migrants et sans les invectives dans le dialogue social) …
Jésus ne passe pas son chemin, drapé dans sa pureté ou sainteté. Il n’emboite pas le pas au prêtre ni au lévite sur le chemin « parabolique » de Jéricho. Ici, encore à Jéricho, mais en vrai, Zachée veut voir et il est vu. Le passage se situe immédiatement après la rencontre de Jésus avec l’aveugle mendiant peu avant l’entrée à Jéricho. Jésus le guérit de sa cécité.
« Ici encore, notre homme ne peut voir Jésus à cause de la foule et en raison de sa petite taille. Pourtant Zachée fait partie des grands, des gens reconnus. Il est le chef des collecteurs d’impôts exerçant donc de grandes responsabilités, ayant nombre d’employés et de serviteurs, de très grandes richesses. Mais il a aussi, contre lui, une foule hostile de nombreux accusateurs. Il est de ceux qui appauvrissent le peuple de Dieu au profit d’un occupant païen. Riche mais seul contre tous, sa petite taille face à la foule exprime cette solitude. Le mur de la foule se dresse devant lui, tel autrefois le mur de Jéricho. Alors comment cet homme haïssable, qui a accumulé sa fortune sur le dos de ses compatriotes, peut-il avoir l’audace de seulement voir Jésus ? Ce n’est pas un désir, une envie curieuse mais une quête : Il cherchait à voir Jésus ».
À l’égard de Zachée, comme pour chacun de nous, Jésus est le bon Samaritain secourable qui n’esquive pas un frère humain dans la détresse ou l’exclusion sociale. Tout au long de notre vie active, nous avons nous aussi su répondre à ces détresses que d’autres ignoraient et nous n’avons jamais été oubliés du Dieu amour dans nos épreuves et nos échecs.
Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu
À l’âge de la retraite, nous avons su nous activer pour rendre service auprès de nos proches. Souvent aussi nous avons eu tel ou tel engagement associatif (et si nous pouvons, nous le faisons encore) parce que nous étions mû par cette conviction que Jésus professait devant la générosité retrouvée par Zachée : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».
Dans nos échanges, nous pouvions souligner que la conversion de Zachée, impliquait de prendre de la hauteur, de voir plus loin que le bout de son nez… Tout en grimpant dans son arbre, Zachée s’est débarrassé de tout ce qui encombrait son chemin d’humilité. Sa maison cadenassée autour de ses biens, il l’a ouverte pour donner et partager… Il s’est laissé ébranler dans sa zone de confort, sans s’emmurer ou s’isoler dans ses certitudes…
Zachée courut donc en avant et grimpa… Jésus dit « Zachée, descend vite », « Vite, il descendit », Zachée monte « vite » … En ces circonstances, aller vite, c’est s’exposer, prendre des risques… Voir le paradoxe entre hâte, vitesse et demeurer…
Nous pouvons aussi méditer ce texte plein d’humour, écrit par le Père Jacques Lancelot (texte transmis par Annick, qui l’avait reçu de notre regrettée Renée Piochon) :
Devenu vieux, que me reste-t-il ?
Il me reste deux pieds pas toujours très habiles,
Mais ils veulent coller à notre bonne vieille terre et à la vie des hommes
et continuer d'arpenter rues et magasins.
Il me reste deux jambes. Elles tanguent un peu, parfois, Mais une canne assure leur marche incertaine.
Il me reste deux yeux. Ils ont vu clair... Mais aujourd'hui, et heureusement, ils ont des lunettes qui viennent améliorer un peu ce qui leur manque.
Il me reste deux oreilles. Elles n'entendent pas toujours très bien, mais elles me permettent de mieux comprendre ce qu'elles entendent.
il me reste deux bras pour serrer ceux que j'aime d'une belle tendresse sans jamais refermer ces bras sur tous ceux-là !
Il me reste deux mains encore capables de faire de petites bricoles, par exemple laver et essuyer la vaisselle et peut-être un peu plus !
Il me reste deux poumons. Ils ne sont plus très bons ; mais une machine appelée du doux nom de « aérosol » leur injecte du soleil et de l'air amélioré même en pays normand.
Il me reste deux lobes au cerveau. Silencieux, ils sont encore, je crois, bien huilés et me servent à écrire plus qu'à lire. Mais pour écrire, il me faut continuer de lire dans la vie et dans les livres.
Et enfin, il me reste un cœur avec ses deux chambres. La pompe connaissait des menaces de fuites. Ça risquait !
Il me reste cet autre cœur branché à Celui qui est la Source... que circule l'amour dont il nous aime !
Avec tout ça, ça va bien ! Et merci à Toi... !
Père Jacques Lancelot – dcd en 2020
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